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Égalité hommes-femmes : une question d’équité, un impératif économique
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Note du CAE #83
avec Emmanuelle Auriol et Nina Roussille
[Abstract]
Abstract:
En dépit des progrès réels observés depuis 30 ans, l’écart des revenus du travail entre les femmes et les hommes reste substantiel en France, autour de
30 % en 2020. Cet écart s’explique par une plus faible participation des femmes au marché du travail, des interruptions de carrière et un recours au travail à temps par- tiel plus fréquents, et des écarts salariaux persistants, même à responsabilités et durées de travail égales. De manière inquiétante, le rythme de réduction des inégalités hommes-femmes s’est considérablement ralenti depuis une dizaine d’années.
Dans cette Note, nous quantifions l’importance de trois grands types de facteurs pouvant expliquer la persistance de ces inégalités sur le marché du travail: l’éducation, la maternité et le déroulé des carrières.
Premièrement, nous constatons que ces inégalités commencent dès l’école. Si les filles y réussissent mieux en moyenne, elles restent largement sous-représentées dans les filières scientifiques et techniques, des domaines où les rémunérations sont pourtant plus élevées. Ces choix d’orientation sont influencés par des stéréotypes de genre qui se manifestent dès le plus jeune âge, limitant les ambi- tions des filles dans ces disciplines. Cette ségrégation des filières contribue à maintenir les écarts de salaire tout au long des carrières.
Deuxièmement, nous montrons que l’impact de la maternité est le facteur déterminant dans la persistance des inégalités de genre. En effet, après la naissance de leur premier enfant, les femmes gagnent en moyenne 38 % de moins au cours des dix années suivantes, un retard qu’elles ne combleront jamais dans la suite de leur carrière. Cette pénalité parentale résulte de la baisse de la participation des femmes au marché du travail, de la réduction de leurs heures travaillées et de l’acceptation de postes moins bien rémunérés au profit d’une plus grande flexibilité. Rien de tel chez les pères dont la carrière ne connaît pas de perturbations après la naissance des enfants.
Enfin, même lorsque les femmes suivent les mêmes cur- sus que les hommes et travaillent à plein temps, il subsiste des écarts de salaires et d’évolution professionnelle, liés à l’organisation des carrières et aux fortes asymétries d’information sur le marché du travail qui pénalisent les femmes.
Du fait de la multiplicité des facteurs déterminant les inégalités tout au long du cycle de vie et de leurs fortes interdépendances, seule une stratégie ambitieuse et coor- donnée, agissant sur tous ces leviers, est susceptible de réduire efficacement et durablement les inégalités sur le marché du travail qui pénalisent la croissance française.
Nous recommandons, outre la création de nouvelles places d’accueil des jeunes enfants, une réforme ambitieuse du congé paternité, en l’allongeant à 10 semaines, dont 6 obligatoires. Cela devrait contribuer à une meilleure répartition des responsabilités parentales dès les premiers mois de l’enfant et réduire l’impact de la maternité sur la carrière des femmes. Dans le domaine éducatif, pour renforcer l’enseignement des mathématiques et des sciences auprès des filles, nous préconisons la création de brigades de professeurs spécialisés, chargés de promouvoir les carrières scientifiques sans biais de genre. Enfin, pour favoriser une plus grande équité dans les négociations salariales et réduire les écarts de rémunération, nous prônons l’obligation de publier des fourchettes salariales dans les offres d’emploi et l’application de sanctions en cas de non-conformité.